L’art-thérapie pour les Nuls

Pour démarrer cet ouvrage consacré à l’art-thérapie, parlons tout d’abord d’art ! Car après tout, c’est bien à l’art sous quasiment toutes ses formes que nous allons nous frotter au détour des pages qui suivent. Avant toute chose, il est donc essentiel de rappeler que l’art existe depuis toujours et qu’il est consubstantiel à l’humain. Toutes les civilisations ont produit de l’art et des artéfacts sous de multiples formes. L’art a permis et permet encore et toujours de nous définir. C’est un élément central dans ce que nous sommes et il n’y a pas de barrières dans l’art. C’est un langage universel qui dépasse le langage verbal et qui permet à chacun de nous de communiquer des émotions et des expériences. Pour cette raison, l’expression artistique est primordiale, c’est une forme ultime de communication.

Selon Léonard de Vinci, l’art est chose mentale, du domaine de l’intellect, de l’imaginaire, de la fabulation, du mythe. Mais c’est peut-être Wilhelm Worringer, historien et critique d’art allemand, dans un excellent ouvrage écrit en 1908, Abstraktion und Einfühlung (traduit pour la première fois en France en 1968 !) qui apporte le meilleur éclairage pour comprendre en quoi l’art, grâce au processus* de création*, peut être un soin : « De tout temps, l’art proprement dit a satisfait un profond besoin psychique et non la simple impulsion d’imitation, la joie ludique à copier des modèles naturels. Le nimbe qui entoure le concept d’art, tout le respectueux dévouement dont il n’a cessé de faire l’objet ne peuvent être psychologiquement élucidés que si l’on conçoit un art né de besoins psychiques et satisfaisant des besoins psychiques. »

L’art, quelle que soit sa forme, engage le cerveau tout entier. Il ouvre des horizons, notamment les horizons psychiques, il permet à l’esprit d’imaginer et d’explorer différentes sortes de réalités, différents niveaux de conscience. C’est donc très naturellement que l’art s’est mis au service du soin, d’abord de manière intuitive et empirique il y a plusieurs millénaires, avant d’être rattrapé par la science avec l’apparition et le développement de la psychiatrie.

L’art est thérapeutique par essence, et les plus grands artistes, dans tous les domaines artistiques, ont été, à un moment ou un autre confrontés à cette question. Et ce sont des artistes qui, soutenus et encouragés par des médecins, ont été à l’origine du développement de l’art-thérapie dans toutes les principales médiations artistiques. Car qui, mieux que des artistes qui évoluent en permanence dans le monde du sensible, pouvait connaître les vertus et les bienfaits du processus de création ? Personne. Seuls ceux qui pratiquent un art savent que la loi du travail artistique est une loi de transformation. Et la transformation, c’est justement ce que permet l’art-thérapie.

Si l’art a une vocation, aujourd’hui encore plus qu’hier, c’est celle d’éclairer le monde environnant et provoquer des catharsis* pour mieux s’échapper psychiquement de la « matrice ». L’art en général, en offrant des formes, des sons, des mouvements, des images, des signes, des mots favorise un espace de liberté psychique, qui peut permettre de s’affranchir de l’enfermement symbolique inhérent au système actuel. En bref, l’art multiplie les supports d’expression psychique.

L’art est sacré et c’est justement parce qu’il est « ça crée » qu’il est un soin. Le « ça crée » est donc la pierre angulaire de la discipline art-thérapeutique. Dans l’art-thérapie, l’art n’est pas réduit au statut d’objet d’animation comme il peut l’être dans certains types de médiations. Il est au cœur même du processus art-thérapeutique qui va permettre à la personne accompagnée de mieux se connaître, se découvrir et surtout se subjectiviser.

De façon générale, le processus de création artistique agit comme un processus de transformation. L’art-thérapie est donc une discipline qui permet à toute personne, quelle que soit sa problématique et/ou sa pathologie* d’exprimer ses émotions et ses affects, de se soulager, reprendre goût, créer des liens* avec soi et les autres et potentiellement se transformer. Et ce, grâce à l’expression artistique et au processus de création et sans avoir recours à la parole. Or, quand on connaît la difficulté que nous rencontrons tous, à des degrés divers, à pouvoir formuler clairement nos émotions et nos ressentis, alors l’art-thérapie prend tout son sens. Elle permet ainsi de parler de soi sans dire « Je » et offre la possibilité de dire l’indicible.

En France, l’art-thérapie est une discipline en plein développement, essentiellement pour deux raisons : d’abord parce qu’elle était très en retard par rapport à de nombreux pays où elle est fortement implantée (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Allemagne, Suisse, mais également en Inde, Singapour, Japon, Australie…), et surtout parce qu’elle est devenue une discipline construite et balisée qui répond à de nombreux besoins, tant sur le plan médical que sur le plan du développement personnel. À l’art-thérapie traditionnelle a donc succédé l’art-thérapie moderne qui est entrée dans la chaîne du soin et qui déborde aujourd’hui de ce cadre pour se mettre au service d’un meilleur épanouissement de l’humain.

En ce début du xxie siècle, l’art-thérapie est encore une thérapie en devenir, dans le sens de work in progress (chantier en cours) aussi bien sur le plan clinique, pratique et théorique. Et si elle est aujourd’hui une discipline conceptualisée, elle n’est en aucun cas figée. D’autant que l’art-thérapie est plus qu’une thérapie. Grâce à l’art, elle présente une dimension holistique : elle prend en compte tous les aspects de la vie dans ses composantes physique, mentale, émotionnelle, sociale, culturelle et spirituelle. Dans ce sens, l’art-thérapie peut être considérée comme une philosophie de vie. C’est ce que nous voulons vous faire découvrir et surtout vous faire partager dans les pages qui suivent.

Sur Amazon
Sur le site des éditions First