La land art-thérapie, c’est parti !

En ce début de XXIe siècle, la question écologique occupe une place fondamentale sur la scène internationale. Elle est au cœur des préoccupations politiques de nombreux pays et constitue un enjeu majeur tant la planète terre semble au bord de l’asphyxie : réchauffement climatique, disparition de milliers d’espèces et de nombreux éco-systèmes, appauvrissement de la bio-diversité, pollutions croissantes (de l’air, sonore et visuelle)… Gaïa s’essouffle et nous avec.

Actuellement, plus de la moitié de la population mondiale vit dans des villes et des mégapoles où la nature a perdu ses droits. Dans ce contexte de sur-urbanisation, de béton généralisé, de créations de déséquilibres destructeurs, de proliférations d’artefacts et d’artifices censés pallier à la déshumanisation, les nouvelles générations ont perdu quasiment tout lien avec la nature. D’une certaine façon, l’humain du XXIe siècle est confronté à un conflit central : se couper complètement de la nature qui l’a engendré et devenir un « post-humain » ou bien se re-connecter à son milieu originel dont il dépend. Or, il apparaît fondamental de rappeler que l’homme du XXIe siècle est l’héritier de quatre milliards d’années de vie animale. Pendant le paléolithique, l’humain a été totalement immergé dans la nature et au regard de cette période très longue, la civilisation industrielle, rationaliste et techniciste pèse très peu. Ce qui signifie que l’homme demeure interdépendant avec la nature. Il fait partie de la communauté du vivant et à ce titre, il est en co-évolution avec l’ensemble des éléments qui composent la nature. Et si la raison et le rationnalisme l’ont éjecté en dehors de la nature, il apparaît vital qu’il y retourne ou du moins qu’il se réconcilie avec.

Sur un plan médical, les recherches concernant la nocivité du « tout urbain » sur l’humain et a contrario de l’impact positif de la nature sur la santé physique et mentale sont en fort développement depuis quelques années. Et pour peu que l’on soit à l’écoute de son corps et de son psychisme, on peut aisément ressentir les bienfaits du contact avec la nature. Dans les années 1970 déjà, des études avaient démontré que passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines en pleine nature permettait d’augmenter le sentiment de confiance en soi, de trouver une forme d’apaisement et favorisait une restauration de la pensée. Plus récemment, selon une étude intitulée « Écothérapie : l’agenda vert pour la santé mentale », des chercheurs de l’Université d’Essex en Angleterre ont montré qu’une promenade dans la nature améliore l’humeur et la confiance en soi dans des proportions beaucoup plus importante qu’une promenade dans un centre commercial (de l’ordre de 30% pour l’humeur et 50% pour la confiance en soi).

De là à affirmer que le mode de vie moderne, axé sur le tout urbain, est la cause de pathologies précises, il y a un pas que nous ne franchirons pas, d’autant que ce n’est pas ici l’objectif de ce Petit manuel de land art thérapie. Cependant, des études très sérieuses en psychologie considèrent que des problèmes mentaux actuels tels que la dépression, le stress, l’anxiété et troubles de l’humeur peuvent être attribués, tout ou partie, à l’aliénation croissante de la société vis-à-vis de la nature. Dans le même ordre d’idée, la très sérieuse International Association for Ecotherapy (IAE), qui regroupe de nombreux psychothérapeutes de différents pays, considèrent que les soins de santé mentale devraient re-considérer le temps passé dans des environnements naturels, en extérieur et au grand air.

La nature est par essence thérapeutique et se reconnecter avec elle est une forme de soin. Plus intéressant encore, elle peut être le cadre et surtout le médium de la thérapie à partir du moment où elle offre des possibilités de créativité infinies. Dans ce sens, elle est un médium « artistique » fabuleux, source de perspectives, d’ouvertures métaphoriques et de symbolisation sans commune mesure avec n’importe quel médium. Pour la simple et bonne raison que tous les arts trouvent leur origine dans la nature : la peinture, le modelage, la sculpture, la danse, le théâtre et même l’écriture. Or, qui dit métaphorisation et symbolisation infinies dit possibilité de métamorphose, de changement et de transformation. Et ce, aussi bien pour des personnes présentant des problèmes psychologiques passagers et/ou des pathologies chroniques que pour des personnes qui souhaitent explorer et développer leur potentiel.

Rien de nouveau sous le soleil diront certains puisque dans les cultures traditionnelles, pour ne pas dire « archaïques », l’acte de créer dans les environnements naturels était courant. Depuis les temps immémoriaux, les hommes se sont exprimés dans la nature. Ils ont peint ou gravé dans des grottes et sur des rochers en extérieur, ils ont créé des cairns, des menhirs, des dolmens aux quatre coins du monde, ils ont dessiné et peint à même la terre ou le sable, ils ont modelé l’argile… Et si l’on se réfère aux pratiques chamaniques, cet art « naturel », mélange d’expression et de spiritualité, était souvent à visée thérapeutique.

Cependant, plus les sociétés se sont sédentarisées et se sont développées, plus l’art au naturel s’est réduit. Et si la nature est restée pendant des siècles le support de l’expression artistique, l’art s’est peu à peu « enfermé » dans les murs. Il est ainsi intéressant de constater que sur le plan artistique, le retour d’une forme d’art dans la nature, à savoir le land art (mais pas seulement), s’est opéré à une époque, au début des années 1960, où l’industrialisation, la consommation et l’urbanisation ont commencé à exploser. Déjà, au XIXe siècle, l’écrivain américain Henry Georges Thoreau, avec son célèbre ouvrage Walden ou la vie, avait montré comment la nature était propice à l’imagination et aux rêves et comment elle était source d’utopie alors que les États-Unis étaient en train de devenir la plus grande nation industrialisée du monde. Un siècle plus tard, lorsque les land artistes américains puis européens ont ré-introduit l’acte de créer dans la nature, ils ont avant toute chose cherché à ré-inscrire l’homme dans son environnement naturel par l’artifice de la création artistique qui est fondamentalement un acte de vie.

Aujourd’hui, encore plus qu’hier, l’homme s’est considérablement coupé de la nature et par extension, il s’est coupé en partie de lui-même. Avec toutes les conséquences que cela implique. Il s’agit donc de remettre l’homme dans la nature ou de remettre de la nature dans l’homme, comme on voudra. Or, en créant en milieu naturel, la communion avec la nature devient totale. Chacun peut retrouver ainsi sa place dans l’écosystème et vivre alors son appartenance à la biosphère. D’autant plus que l’acte de création, par le processus qu’il engendre, est thérapeutique.

Reprendre contact avec la nature par le biais du processus créatif apparaît ainsi comme l’un des meilleurs moyens de retrouver une interdépendance avec elle. Se remettre dans la nature en créant, c’est faire exprimer le corps vivant, éprouvant et ressentant dans son milieu naturel. C’est aussi re-découvrir l’environnement naturel dont nous sommes issus, réveiller nos sens et laisser une trace éphémère (« effet-mère ») grâce au processus de création. C’est enfin, grâce au processus de création, retrouver l’osmose avec la nature, se re-construire et se re-mettre en mouvement vers d’autres possibles. On retrouve donc là les principes mêmes de l’art-thérapie, à savoir s’exprimer à travers une médiation artistique sans avoir forcément recours à l’oralité, libérer ses émotions, se re-découvrir pleinement, aller vers une acceptation de soi, retrouver de l’autonomie, et se transformer pour un mieux-être au monde.

En s’appuyant sur les préceptes de l’art-thérapie qui est aujourd’hui une thérapie balisée, conceptualisée et reconnue dans le monde médical, nous vous proposons donc de découvrir dans les pages qui suivent comment se soigner et potentiellement se transformer en créant dans la nature par la land art thérapie. Plutôt que d’avoir recours à des médiations « classiques », telles que la peinture, le collage, le modelage, la musique, le théâtre ou encore la danse, nous allons ainsi sortir des murs et aller créer sur des sites naturels.

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